Michel Debout
Professeur émérite de Médecine légale et droit de la santé

Ces propos sont le fruit de 40 ans de vie professionnelle comme médecin légiste, des propos profanes  et non des propos psychanalytiques.
La mort met en lien celui qui part et celui qui reste
Parler de la mort, c’est parler d’un double parcours, celui du mort et celui de ceux qui reste

On peut distinguer 3 périodes
Entre deux de la mort Rupture moment dernier
Entre deux du mort Rupture Mise en bière
Le deuil

Entre deux de la mort
C’est une période où la personne sait qu’elle va mourir mais qu’elle est toujours en vie. L’épreuve est de pouvoir partager les sentiments ressentis.

Avant ce moment était très socialisé, on se rassemblait autour du mourant. Comme dans la chanson de Charles Aznavour « Elle va mourir la Mamma »

Puis s’est installé plus de solitude médicalisée, les médecins se sentaient impuissants. La mission d’un médecin n’est pas de guérir mais de soigner, le personnel médical était souvent absent, l’équipe médicale avait du mal à voir celui qui va mourir, il était difficile de l’accompagner.

Aujourd’hui avec les soins palliatifs, certains médecins se sont spécialisés dans l’accompagnement des mourants :
A l’hôpital, celui qui va mourir se sent moins seul,  pour celui qui va mourir chez lui, cela lui permet d’être encore dans la vie.
Il a besoin d’échanges avec l’autre, avec celui qui reste, un parent, un membre d’une association comme JALMAV.
L’accompagnement permet, à celui qui va mourir,
de pouvoir exprimer ce qu’il ressent,
d’avoir une approche spirituelle, différente d’une approche religieuse,
d’avoir conscience de la finitude de soi et de la vie qui continue après soi,
de se poser des questions : Comment se représenter la vie sans moi ? Pourquoi l’humanité continue ?
d’exprimer leurs dernières volontés, de régler  de vieilles affaires
Pendant longtemps, c’était les prêtres qui étaient dépositaires des dernières volontés du défunt
Puis avec la laïcisation de la société, la personne exprime ses dernières volontés, fait son testament pour éviter les disputes, prend un contrat obsèques.
On assiste à une commercialisation des dernières volontés, une marchandisation.

Rupture Moment dernier

Pour les morts communes :
Celui qui reste est partagé entre deux émotions : à la fois l’idée qu’il ne faudrait jamais qu’il parte, qu’il doit rester et le besoin que ça s’arrête, qu’il ne souffre plus. Ce qui crée, chez lui, une tension psychique forte, un épuisement psychologique, et un soulagement au moment de la mort.
Ce moment dernier est un moment de transmission, il nous fait naître à notre finitude, d’où le besoin irrépressible d’être présent au moment dernier, et le sentiment la culpabilité en cas d’absence. Cette culpabilité se traduit par une réaction, on veut voir celui qui était présent, on veut savoir comment il est mort.

Pour les morts violentes
Cette période n’existe pas dans une mort violente, particulièrement douloureuse car il n’existe pas d’entre deux. La famille passe en un instant de la pleine vie au corps mort, parfois très dégradé.
Au moment de l’annonce, les proches ont besoin de voir le corps. Pendant des années, on a privé les proches de voir le corps pour les besoin de l’enquête.
Le plus dur pour les familles, c’est le cas des personnes disparues, il est manquant, on ne sait pas s’il est mort.
On ne peut pas faire le deuil de quelqu’un de manquant

Entre deux du mort
La présence du corps mort est essentielle, on a besoin de venir lui rendre hommage, de garder le souvenir de celui qu’il a été.

Rupture La mise en bière
Le couvercle se referme sur le corps mort qu’on ne verra plus. C’est une déchirure, l’image du mort disparaît à tout jamais. Et le corps mort, objet externe doit céder la place à l’objet interne, le souvenir vivant de celui qui n’est plus.

Le deuil
Le deuil travaille, c’est le travail de l’inconscient. La qualité du deuil dépend de son parcours, il faut que chaque rupture soit comprise.
Le rôle de la cérémonie est de dire à ceux qui restent qu’ils sont toujours en vie, c’est la charnière entre la vie qui n’est plus et la vie qui continue.
Une cérémonie permet l’articulation entre celui qui meurt et la vie de l’humanité qui continue, articulation bien préparée avant, dans les périodes.